Il existe plusieurs alternatives pour se débarrasser des problèmes qui semblent s’attaquer sauvagement à nous. Pour Mélina Toumbanakis, jeune boisbrianaise de 18 ans à la recherche d’elle-même, il n’y avait qu’une seule solution envisageable, la plus facile : la fuite.



lundi 16 mai 2011

Après avoir abandonné une technique en graphisme par manque de motivation, elle devait partir loin et seule, pour pouvoir penser, se découvrir et apprendre sur elle-même. C’est cette idée d’évasion qui l’a poussée à entamer des recherches d’endroits où elle pourrait partir en «back-pack». Quelques jours plus tard, elle tombe par hasard sur une vieille connaissance qui lui parle d’un voyage humanitaire qu’elle a expérimenté quelques mois plus tôt : elle a été bénévole pendant quelques mois dans un orphelinat du Burkina Faso.

Le déclic se fait alors dans la tête de la jeune femme au projet fugueur : c’est ce qu’elle va faire.

Le bénévolat avait toujours été quelque chose qui intéressait grandement Mélina. Femme au grand cœur, aider les autres lui avait toujours apporté une grande satisfaction et un sentiment de bonheur et d’accomplissement. Résultat : trois mois plus tard, elle se retrouvait au beau milieu d’un petit village très pauvre du nom de Tintilou, plongée de tout corps et âme dans la vraie Afrique Noire.

Inspirée par le voyage de sa vieille amie, Mélina a décidée de faire affaire avec le même organisme, Horizon Cosmopolite. Elle fut vite impressionnée par le professionnalisme de l’ONG. Suite à la rencontre de Stéfane Charette (co-fondateur et président, coordonnateur de programmes) et de Audrey Têtu-Bernier (coordonnatrice des programmes en Amérique latine, en Afrique et en Asie) et à la rédaction d’une lettre de présentation ainsi que d’un C.V, elle était fin prête à se lancer dans cette aventure folle. Elle était prête, mais elle ne réussissait pas à s’imaginer tout à fait comment se dérouleraient les choses là-bas. La peur commençait à empiéter sur son enthousiasme. Elle ne s’était jamais occupé de bébés, qu’allait-elle faire au juste dans l’orphelinat? Elle savait qu’elle serait reçue par une famille de 24 personnes, mais comment vit-on dans une famille aussi nombreuse?  Allait-elle être à la hauteur des attentes de l’organisme? Un questionnement incessant occupait l’esprit de la future africaine improvisée.

Le 25 janvier 2011, elle atterrissait sur le sol terreux du Burkina. À son arrivée, un homme l’attendait avec une affiche «Mélina Toumbanakis». Elle passait sa première nuit chez Monsieur Constantin, un homme aisé financièrement qui habite une charmante maison au cœur d’Ouagadougou. C’était le fondateur de l’organisme Les enfants d’abord pour lequel Mélina travaillerait pendant les deux mois et demi qui l’attendait. Un homme important dans le pays et assez connu puisque son organisme vient en aide à plus de 400 orphelins régulièrement enregistrés, et quelques autres 1150 orphelins répartis dans 11 provinces sur les 45 que compte le pays.


« J’ai été accueillie comme un reine chez Constantin et chez ma famille d’accueil. Les gens n’arrêtaient pas de m’offrir des cadeaux, des aliments qu’ils avaient de la difficulté à se procurer pour eux-mêmes : des papayes, des carottes, des concombres, des volailles, en immenses quantités que je ne réussissais jamais à manger toute seule. Cela me mettais un peu mal à l’aise et  je partageais avec les membres de la famille qui salivaient en regardant mon assiette.»

Les premières semaines ont été extrêmement difficiles pour la jeune québécoise. Elle devait s’adapter à un mode de vie sans électricité et en manque de ressources. Elle devait s’habituer à se doucher avec un sceau d’eau qu’elle devait acheter au village et à faire ses besoins dans un trou gros comme son poing creusé dans le sol près de sa case qui était en fait une petite maisonnette en terre munit d’un toit en paille et d’une porte en taule meublé d’un mince matelas où elle dormait. Elle devait s’habituer à la chaleur extrême (aux alentours de 40 degrés), aux repas qui variaient rarement : riz, pâtes, (plat traditionnel Burkinabé), toujours imbibés d’huile, au réveil matinal au chant du coq à cinq heures du matin, aux journées épuisantes à la pouponnière.

Les premières journées à l’orphelinat ont été les pires pour Mélina. Elle ne savait pas trop comment s’y prendre et ce que l’on attendait d’elle. Les 11 enfants de l’orphelinat âgés entre 6 mois et 4 ans n’avaient pas de couches, il y avait donc des excréments partout et elle passait son temps à laver les enfants. Inutile de mentionner que l’odeur qui accompagnait le tout n’était pas des plus agréables. À son arrivée, elle a croisé trois femmes originaires de la France qui venaient de terminer leur séjour à la pouponnière de Tintilou. Avant de partir, elles ont remis à Mélina une liste de choses qu’elles avaient changées à la pouponnière et de tâches à effectuer. La pauvre québécoise s’est tout de suite sentie écrasée par la lourde tâche qui lui était laissée entre les mains :




































«On est au courant de la misère qui sévit dans certains pays d’Afrique, mais quand on le vit, on réalise comment c’est, réellement.»  
Ça aura pris un mois pour que Mélina s’adapte complètement à la vie Burkinabé, le temps qu'elle mette de côté la vision clichée qu'elle avait de l'Afrique. Les Africains sont peut-être pauvres à l'extérieur, mais leur âme est remplie de richesse. Ils passent leur temps à chanter et à danser et ils remercient Dieu pour sa bonté au détriment de s'apitoyer sur leur sort. Ils se soucient des autres, ils prennent le temps de parler et d'écouter et quand ils demandent des nouvelles d'une personne, c'est toujours sincère. Les membres de la famille sont d'une grande importance et jamais ils leur viendraient à l'idée de se départir de la tâche de s'occuper des membres plus âgés de leur famille, car cela leur fait plaisir de les avoir avec eux et de veiller à leur bien-être. C'est un peuple avec un coeur en or, un peuple uni, heureux et beau à voir.

En plus d'avoir eu la chance d’apprendre les bases du Moré, le dialecte parlé par les gens du village, Mélina a réussit à s’adapter à la chaleur intense et à la supporter. Elle s’est grandement liée d’amitié avec les gens qui l’accueillait et les bénévoles et enfants de la pouponnière. Constantin a été un modèle et un protecteur pour elle et c’est un homme dont la bonté et la générosité frappent au cœur. Mais ce que Mélina retient le plus de son expérience, c'est la joie de vivre et la sociabilité des Africains.

« Tout le monde se dit bonjour, qu’ils se connaissent ou pas! Les gens sont rarement seuls longtemps puisque dès qu’ils rencontrent quelqu’un sur leur route, ils se mettent à jaser, à prendre des nouvelles de la famille et du travail. Ici, on ne parle jamais aux gens qu’on ne connait pas. Quand on croise quelqu’un dans la rue on baisse les yeux, c’est ridicule! Les gens s’évitent du regard et marchent d’un pas tellement pressé. Au Burkina le rythme est beaucoup plus lent, «stress» est un mot qui ne figure pas dans le dictionnaire.»

Ce voyage, mademoiselle Toumbanakis s’en souviendra toute sa vie. Elle est revenue changée. Elle y est allée pour aider les plus démunis, mais au fond c’est eux qui l’ont aidé. Elle sait maintenant qu’elle adore les enfants et depuis son retour elle accorde beaucoup plus d’importance et de temps à sa famille, puisqu’elle a réalisée à quel point celle-ci est importante.
Penser aux autres, n’est pas une valeur très présente dans la société d’aujourd’hui. Si seulement les gens pouvaient réaliser à quel point donner rapporte souvent beaucoup plus que de recevoir.


Jo-Annie Major